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30 décembre 2013 1 30 /12 /décembre /2013 18:19

  

Avec en sous titre "Un pélerinage européen", Kenneth White, voyageur cultivé donne à ses vagabondages, ses lettres littéraires. Le pélerinage n'a aucun caractère religieux, le fondateur de la "géopoétique" livre ses errances dans les villes et autres lieux par ses rencontres, lectures et autres souvenirs dont certains peuvent remonter à la jeunesse de Kenneth White.

 

La carte de Guido, est une carte italienne réalisée à Pise au 12e siècle que l'auteur a découverte à Bruxelles. L'ouvrage qui contient cette carte, rassemble joyeusement histoire, géographie, philosophie et poésie d'une Europe médiévale rêvée. Kenneth White a opté pour cette approche globale et désordonnée qui rend aux villes leur infinie richesse. Glasgow, Munich, Bruxelles, Dublin, Bilbao, Venise, Trieste, Belgrade, Podgorica, Pula, Stockholm, Edimbourg. Quant aux paysages, Kenneth White les laisse respirer dans des descriptions d'une précision poétique. 

 

Il ne faut pas y chercher un guide de voyage au sens pratique actuellement retenu mais un paysage mental que l'auteur dessine avec une grande sensibilité et une plume érudite. C'est une européen enthousiaste, convaincu et généreux, un voyageur par monts et par mots qui mêle déplacement physique et voyage intérieur.

Un bonheur de lecture.

 

Extraits :

"Un soir Vuk est descendu dans sa cave et en a rapporté une bouteille de vin des collines qui, dit-il, datait de l'époque d'avant l'arrachage des vignobles illyriens.
Il était superbe.
En croate, et probablement aussi en serbe, ainsi qu'en slovénien, on dit de quelque chose qui est exceptionnellement bon que cela "parle six langues et bredouille la septième".

 

"A Bar, j'avais rendez-vous avec un architecte qui devait m'emmener voir les ruines de Stari Bar (Vieille Bar) une ancienne cité située juste sous le Monte Malicha. Je me suis excusé de mon retard. "Ne vous en faites pas, dit Omer, dans les Balkans, le temps marche à reculons."Un chemin taillé dans le roc. De très vieux oliviers aux troncs noueux. Des ânes qui se promènent. Le chaos gris de la montagne, balayé par une lumière subtile et changeante..."

 

"Si j'ai voulu mettre Trieste sur ma carte mentale, c'est parce que Joyce et Rilke font partie des écrivains européens les plus lucides que je connaisse et c'est une curieuse coïncidence que ce soit dans ce coin du monde que presque côte à côte, mais inconnus l'un de l'autre, ils se soient engagés dans la phase la plus intense de leur oeuvre.Si l'on veut connaître Joyce, ce n'est pas à Dublin qu'il faut chercher, c'est à Trieste. Si l'on veut comprendre Rilke, on doit se tourner vers des lieux solitaires, non codifiés, et, en premier lieu, vers cette côte de Duino."

Kenneth White

La carte de Guido

Un pélerinage européen

Albin Michel

2011

 

 

 

 

 

 

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24 février 2013 7 24 /02 /février /2013 18:50

 

« Il est bon de savoir que dans une forêt du monde, là-bas, il est une cabane où quelque chose est possible, situé pas trop loin du bonheur de vivre. »

 

C'est l'hiver, une cabane 3m X 3m, des cigares, de la vodka, des vivres, des livres, des carnets, ... et tout autour la forêt sibérienne, le lac Baïkal, les montagnes. Plus tard, il y aura deux chiens.... Dans le journal qu'il livre de six mois passés en Sibérie, Sylvain Tesson commente, sans jamais devenir ni donneur de leçon ni se prendre en exemple, la difficulté  de la solitude et de l’isolement en milieu extrême. Il a su extraire de cette expérience, une philosophie du temps, la vanité d’une civilisation qui avance sans savoir où elle va, la force de l'instant. Il fait bien. Peu d'hommes pourraient se lancer dans cette aventure qui nécessite quelques qualités hors normes d'endurance physiques et morales. Mais Sylvain Tesson n’en est pas à son coup d’essai, arpenteur inlassable de l’Asie centrale, un exil dans la solitude glacée au bord du lac Baïkal ne lui faisait pas peur. C’était l’un de ces vieux rêves.

 

Il conte la dureté d'une vie où chaque journée est un challenge : couper du bois à moins 35°C,  rendre visite à des amis à cinq heures de marche, rencontrer l'ours, creuser la glace pour pêcher, escalader des montagnes pour, au sommet, s'éblouir du paysage, lire, se laisser aller à la détresse, creuser le sillon de la solitude au plus profond de soi, s'émerveiller de la beauté du monde, recevoir des amis et s’enivrer de vodka.

 

Eloge d’une d'« une vie sobre et belle [...], resserrée autour de gestes simples ». « Chaque matin je sais que s'écoulera un jour miroir de la veille et esquisse du lendemain. Les variations des heures jouent sur la coloration du ciel, les allées et venues des oiseaux et mille nuances à peine perceptibles. » 

 

Le style en est simple parsemé de belles envolées lyriques. On lui pardonnera ce qu'il appelle lui-même ses "aphorismes de sous-préfecture".

 

Il n’est certainement pas anodin que ce récit soit un véritable succès de librairie.

 

« Je suis venu ici sans savoir si j'aurais la force de rester, je repars en sachant que je reviendrai. J'ai découvert qu'habiter le silence était une jouvence. J'ai appris deux ou trois choses que bien des gens savent sans recourir à l'enfermement. La virginité du temps est un trésor. Le défilé des heures est plus trépidant que l'abattage des kilomètres. L'oeil ne se lasse jamais d'un spectacle de splendeur. Plus on connaît les choses, plus elles deviennent belles. J'ai rencontré deux chiens, je les ai nourris, un jour ils m'ont sauvé. J'ai parlé aux cèdres, demandé pardon aux ombles et pensé aux miens. J'ai été libre car sans l'autre, la liberté ne connaît plus de limite. J'ai contemplé le poème des montagnes et bu du thé pendant que le lac rosissait. J'ai tué le désir de l'avenir. J'ai respiré l'haleine de la forêt et suivi l'arc de la lune. J'ai peiné dans la neige et oublié la peine au sommet des montagnes. J'ai admiré la vieillesse des arbres, apprivoisé des mésanges, saisi la vanité de tout ce qui n'est pas révérence à la beauté. J'ai jeté un regard sur l'autre rive. J'ai connu des semaines de neige silencieuse. J'ai aimé avoir chaud dans ma hutte pendant que la tempête déchaînait sa rage. J'ai salué le retour du soleil et des canards sauvages. » 

 

 

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3 décembre 2010 5 03 /12 /décembre /2010 18:52

varsovie foret 1 

Sylvain Tesson n’est pas un voyageur ordinaire. Tout d’abord, le voyage est son gagne pain, son job. A la question les voyages sont-ils des vacances, il répond : « Certainement pas pour deux raisons. La première est que je voyage pour écrire et je vis de mon écriture, donc je voyage pour vivre donc ce ne sont pas des vacances. Deuxièmement les voyages m'inspirent, m'alimentent, me remplissent et je ne peux donc pas être en état de vacance lorsque je voyage.

 

Ensuite, il n’aime pas du tout la vitesse. Il se déplace à cheval, à la rigueur en vélo, il fut un temps où  il usa de la moto mais c’est à pied qu’il se sent le mieux : Sylvain Tesson est un ascète de la marche pour ne pas dire un forçat et rien ne lui va autant que la solitude d’un paysage aride. « Ce n’est pas par goût de la souffrance que j’use mes semelles mais parce que la lenteur révèle des choses cachées par la vitesse » La poésie est sa compagne de marche préférée, il ajuste ses pas au rythme d’un poème pour que le chemin se fasse complice. Ce plaisir se paye comptant en épuisement et douleur, tant et si bien qu’on se demande s’il n’y a pas chez cet homme, un brin de masochisme mais surement que le bonheur qui résulte de cet effort vaut toutes les peines à endurer.

 

Né en 1972, géographe de formation, journaliste, alpiniste, Sylvain Tesson a effectué sa première expédition en Islande en 1991, suivie d'un tour du monde en bicyclette. Des steppes d'Asie centrale à la Sibérie, de l'Inde à l'Afghanistan, cet écrivain-voyageur aussi curieux qu'érudit, membre de la Société des explorateurs français, est l'auteur de nombreux reportages et essais sur l'aventure. Son recueil Une vie à coucher dehors (Gallimard) a obtenu le prix Goncourt de la nouvelle en 2009.

 

« Petit traité sur l’immensité du monde » déroule réflexions, émotions, périples. Il en résulte une philosophie de la vie en symbiose avec la nature et un total rejet de toute forme d’asservissement à la société consumériste. Plus que de voyages c’est de périples qu’il s’agit. A le lire on se rend vite compte qu’il vit son humaine condition comme un vagabond avançant à rebours de la modernité. Faisant confiance à sa bonne étoile, son commerce avec les humains semble se réduire au minimum nécessaire dans ses errances mais il porte haut la solidarité entre les hommes. Il se complait en compagnie des arbres. Sa frugalité ne crache pas sur la vodka, ni sur un bon cigare. Il se plait à se « retrouver seul, au soir tombant, avec un cigare et un livre de poésie, après une étape harassante, devant un coucher de lune, allongé dans mon hamac que j'aurais tendu entre les deux branches d'un bel arbre accueillant. Belle position pour méditer sur le bonheur d'être sur le chemin et sur l'immense beauté du monde. »

 

Il aime grimper autant que marcher. Dans les villes, il escalade de nuit la façade des églises et des cathédrales pour découvrir quelques décorations invisibles du parvis et s’en émerveiller. L’homme est singulier, son chemin est buissonnier et il sait décrire le souffle de la forêt. Autant dire qu’il semble difficile de le croiser ou alors quelquefois à Paris lorsqu’il vient livrer le récit de ses aventures. Son rêve est de finir dans une cabane en rondins de bois qui contiendrait une bibliothèque du vagabondage. Mais il lui reste encore de longs chemins à parcourir et autant de livres à écrire avant cette ultime étape.

 

« Petit traité sur l’immensité du monde », 2005, Editions des équateurs

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17 août 2010 2 17 /08 /août /2010 06:43

cargo-hambourg-1087.jpg

Gilles Lapouge pourrait être classé dans la catégorie écrivain voyageur mais il tient à dissocier les deux termes : écrivain et voyageur avec cette précision « Je voyage pour raconter mes voyages » Il affirme « qu’un voyage non seulement n’existe qu’à partir du moment où on le convertit en encre mais encore que tout voyage, y compris dans les terres inconnues n’est que le souvenir d’une encre ancienne. ». Ecrivain, Il l’est définitivement, reconnu par ses pairs depuis longtemps. Voyageur, il l’est aussi sans conteste mais il développe l’esprit nomade qui fait du déplacement un mode d’être et son regard sur le monde porte sur des centres d’intérêt plus inattendus que ceux mis en lumière par la plupart de ses confrères. Ce qui le rend infiniment précieux.

« L’encre du voyageur » est un merveilleux recueil de textes dont certains ont déjà paru dans les revues La quinzaine littéraire, Le magazine littéraire et Géo. Certes un peu hétéroclite, il y est question de fées, de caillou, de lumière autant que d’îles, d’écrivains naufragés, voyageurs et de leurs voyages mais qu’importe. Gilles Lapouge est avant tout un talentueux raconteur d’histoires au langage fleuri, poétique, métaphorique et lyrique qui a su conserver un regard enchanteur et intrigué sur ce qui l’entoure, teinté d’un sens inouïe de l’humour.

Il est érudit jamais pédant, passionné et enthousiasmant. Sous sa plume d’une verve éclatante, des mots qui se font rieurs et enjoués pour dire les anecdotes de voyages, les réflexions savoureuses sur les écrivains voyageurs, les histoires d’îles lointaines, les lumières nomades de l’Europe dont il fait collection. Sachant qu’il n’a rien a découvrir qui ne l’ait déjà été, il laisse de côté les ennuyeuses descriptions pour de surprenants détails que son regard décalé a su déceler. Il ne se prend jamais au sérieux et son autodérision est rafraichissante.

Dans le genre littéraire dédié aux voyages, Gilles Lapouge occupe une place à part et certains textes de ce recueil pourraient bien devenir des morceaux d’anthologie de la littérature voyageuse.

A mettre absolument et résolument dans ses bagages.


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12 février 2010 5 12 /02 /février /2010 08:19
« Amateur, cela veut dire "qui aime", et c'est bien de cela qu'il s'agit. J'aime la mer et j'aime être en mer. J'aime partir, larguer l'amarre et passer les feux ; j'aime naviguer, voir le vent tourner, la brise adonner, le ciel changer, la mer se former et se déformer ; j'aime le bouillon chaud dans le thermos au pied du barreur et l'étoile qu'on prend un temps pour cap, la nuit, entre hauban et galhauban ; j'aime quitter une côte de vue et, après un jour, huit jours, un mois, en voir apparaître une autre, qu'on attendait.
J'aime arriver, entrer, mouiller, et quand tout est en place, fixé, tourné, amarré, ferlé, rabanté, être à terre. Je suis un amateur. »

Jean François Deniau était un homme passionné qui ne connaissait pas la demi-mesure. Il a fait de sa vie un roman d’aventure, tour à tour, journaliste, écrivain, voyageur, diplomate, ministre, académicien, un destin hors du commun. Il aimait l’action avant tout. La mer était son royaume, il s’y sentait à l’aise, il s’y retrouvait. En 1995, il réalisera même une traversée de l'Atlantique en solitaire, après un triple pontage coronarien.

« La mer est ronde » est le récit d’expériences et d’aventures marines regroupés autour de cinq thèmes : partir, naviguer, escales, naviguer encore, le cercle « la grande secrète ». Il décline avec un humour décapant et un art consommé du récit, tout ce que la mer lui offre de joies et de désagréments, d’illusions, de découragement. Il raconte les longues heures de quart, la nuit, les étoiles. Il va au-delà de l’anecdotique pour creuser l’émotion, cerner une réalité plus floue sans jamais rien vouloir prouver à personne.

« En un mot, ce livre est inutile. Il raconte seulement l’expérience (ou les expériences) de quelqu’un qui a du plaisir à la voile et en mer et qui l’a écrit pour ajouter à son plaisir celui si possible de la partager »

Effectivement, il partage cette dévorante passion qui le saisit dès l’enfance. A dix ans, il calfatait la vieille coque du bateau d’un cousin, un grand oncle par alliance qui avait fini sa carrière comme capitaine de vaisseau racontait comment il avait vu sur une corvette à voile dans les mers de Chine, le grand serpent de mer. A quinze ans, il embarque sur une bisquine pendant les vacances. Sa destinée maritime est lancée et sans être exclusive, elle occupera une place importante tout au long de sa vie.

« Contrairement à ce que certains croient, la poésie n’est pas une sorte de rêverie vague et indéterminée. La poésie c’est sextant, télémètre, sonde et compas en main, par des signes symboliques recomposer un monde aussi réel que la roche et le phare, que la grève et le cap. C’est du travail d’ingénieur de première classe. »

« Nous qui aimons souvent partir et aussi souvent arriver. Nous qui trouvons 360° d’horizon marin sous le ciel le plus riche paysage du monde tour à tour hostile et bienveillant, connu et imprévisible, radieux de la paix des temples grecs et déchirés en un enfer dément, passant par toutes les couleurs du prisme et de l’âme et qui, comme une âme respire. »

Un livre en forme d’avertissement aussi, sans fioriture et sans complaisance, la mer n’est pas tendre, elle se mérite, s’apprend, se comprend, se fait désirer et parfois se refuse mais à qui sait en respecter les règles en toute modestie et en accepter les contraintes, elle offre des émotions inoubliables et grandioses.

A lire, relire et rêver

La mer est ronde, récits, Le Seuil, 1975 ; Gallimard, 1981, nouv. éd. 1996 ; Folio, 1992. Prix de la Mer.
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27 novembre 2009 5 27 /11 /novembre /2009 16:39

Sergio Pitol, considéré comme l’un des plus grands écrivains mexicains, est né à Puebla, au Mexique, en 1933. Pendant de nombreuses années sa fonction de conseiller culturel dans les ambassades mexicaines l’a conduite à vivre à Paris, Varsovie, Budapest, Prague, Moscou. « Le voyage » est un récit autobiographique que l’auteur rédige au cours d’un voyage qui part de Prague où il est en poste pour aboutir en Géorgie où il est invité par l’union des écrivains du pays.

 

« Au début de 1986, quatre ans après mon arrivée à Prague, j’eus la surprise de recevoir de l’Union des écrivains de Géorgie une invitation à visiter cette république au mois de mai. La Géorgie venait de gagner tout à coup une certaine célébrité à cause du ton subversif de son cinéma, et on l’a considéré comme l’une des places fortes de la perestroïka, terme qui désignait la transformation lancée par Mikhaïl Gorbatchev en URSS. »

 

Prague – Tbilissi, pas si simple à l’heure de la glasnost, l’auteur va devoir se rendre à Moscou avant d’être conduit à Leningrad et désespérer de pouvoir parvenir en Géorgie.

 

« Quelques jours plus tard, le secrétariat aux affaires étrangères m’informait que le ministère de la Culture de l’URSS me transmettait une invitation à me rendre à Moscou du 20 au 30 mai de cette année. (…) Je compris tout de suite que c’était une parade à la lettre de Géorgie, pour que tout le monde sût que c’était toujours la métropole qui décidait de l’envoi des invitations, et que le reste n’était toujours qu’une vaste périphérie incertaine. »

 

Sergio Pitol excelle a décrire les changements de la Perestroïka à travers les mésaventures avec l’administration soviétique auxquelles il se trouve confronté et les détournements de son objectif initial sous des prétextes culturels qui l’empêchent de se rendre à Tbilissi. Il mêle ses rêves, ses petits ennuis, ses observations, à des commentaires éclairés sur la littérature, la peinture, l’architecture.

 

"A Moscou, près du centre. La ville m'impose ses conception urbanistique, son aspect spectaculaire et sa puissance. «Moscou est la troisième Rome et il n'y en aura pas une quatrième», dit un slogan slavophile du XVIème siècle, qui depuis gouverne l'inconscient russe. Quelle merveille que parcourir la rue Gorki en voiture ! À peine arrivé, on sent déjà le changement. On discute du nouveau moment politique, des nouvelles pièces de théâtre, du nouveau cinéma et des nouveaux problèmes que tout le monde doit affronter : le nouveau, le nouveau, le nouveau contre le vieux semble présider au moment actuel. Un peu avant l'atterrissage, Mme A. m'a exprimé la répulsion que lui causent les changement qui affectent le cinéma soviétique. «L'irresponsabilité peut mener au désastre, dit-elle, et ces gens-là ne sont pas prêts pour des changements de ce genre; il faudra qu'ils se forment d'abord, sinon ils vont provoquer des bouleversements. Les Géorgiens sont les pires, les moins fiables. Ils ont fait un virage à cent quatre-vingts degrés, ce qui revient à tourner le dos à leur riche culture traditionnelle; ils la maudiraient, s'ils pouvaient, il l'effaceraient. Leur critique sociale est trop stridente, ridicule, grossière. Il ne va sortir rien de bon de tout cela, vous verrez.»
Je reçus ces marques d'exaspération avec un bonheur absolu."

 

En fin lettré, il rend hommage aux auteurs, hommes de théâtre, de cinéma  : Pouchkine, Gogol, Meyerhold, Boulgakov, Eisenstein, … la poétesse Marina Tsvetaieva semble le fasciner. Il consacre deux chapitres au destin tragique de cette femme hors norme. Erudit inspiré, il conserve un regard critique et amusé sur l’actualité politique et sociale de la Glasnost.

 

Les passages « géorgiens » réjouissent par la soif de vie et de générosité qui émanent des ambiances, des rencontres, des conversations relatées mais Sergio Pitol conserve son regard critique et ne peut que se moquer de l’importance que les géorgiens accordent à la pureté de la race.

 

« Et quand ils se vantaient de la pureté de leur sang, je faisais des éloges démesurés  du métissage, je leur rappelais  que Pouchkine était un mulâtre… »

 

La lecture de ce carnet de voyage est passionnant, drôle et savant, il offre une belle chronique de cette période de l’histoire russe. Plus qu’un voyage au sens géographique il s’agit d’une exploration géopolitique réjouissante.

 

Quatrième de couverture

En mai 1986, en pleine perestroïka, un diplomate mexicain en poste à Prague est invité en Géorgie à titre d'écrivain. Or la glasnost s'embrouille et notre homme est promené à Moscou, à Leningrad; aussi le voyage se transforme-t-il en une galopade folle de scènes grotesques et de calamités joyeuses, pour se terminer à Tbilissi l'irrévérencieuse, ivre de ce printemps politique. Sous la plume d'un merveilleux érudit excentrique et rêveur, ce voyage est aussi une traversée de siècles d'art et de culture, et de toute la forêt sacrée de la littérature russe, de Pouchkine à Gogol à Marina Tsvetaïeva. Sergio Pitol, Prix Juan-Rulfo, vit au Mexique.

Le Voyage
Sergio Pitol
Traduit du mexicain par Marie Flouriot
Les Allusifs

 

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1 novembre 2009 7 01 /11 /novembre /2009 14:53

Succès planétaire pour le guide sur la Molvanie, traduit dans plus de treize langues dont les ventes atteignent des sommets. Un joyaux de l’art du pastiche qui mérite le voyage.

Il y a une quinzaine d’années, au cours d’un voyage au Portugal, las de ne visiter que des cathédrales en chantier, trois compères australiens : Santo Cilauro, Tom Gleisner et Rob Sitch devenus les auteurs du guide de la Molvanie, se sont lancés dans les commentaires plus ou moins délirants sur ce qu’ils voyaient. Ainsi a démarré l’aventure de la Molvanie, un pays imaginaire qui n’existe que par son guide, unique ouvrage au monde consacré à ce pays que les trois australiens hilarants ont rédigé dans un grand éclat de rire. Une parodie de guide, réjouissante jusqu’à l’agacement par ces clichés encore très vivaces sur l’ex-URSS.

La Molvanie « Le pays que s’il n’existait pas, faudrait l’inventer » est située aux confins de l’Union européenne et de l’ex-URSS. Un pays au climat rude et à la population un peu rustre. La monnaie s'appelle le strouble, mais, en période de guerre ou de crise, les locaux acceptent l'ail. Lufenblag, la capitale molvane, cité cosmopolite dotée d’un grand nombre de night-clubs « entre techno-transe et mazurka » et qui accueille des événements internationaux d’importance comme le championnat mondial de pétanque en 1998.

Le touriste en mal d’exotisme ne sera pas déçu. La lecture du guide consacré à ce petit pays donne envie d’y faire un tour pour éprouver sa résistance aux dangers qui semblent être légion dans cette contrée.

Concernant l'hébergement, le guide conseille notamment le U Tri Hradjna, 233 Sv Nazjonal, qui vient d'être élu «plus bel hôtel» par les lecteurs d'Euro Vue, le trimestriel du voyageur malvoyant. Les gourmets se rendront au Restaurant pivotant (Gastrotournicotij) avec vue panoramique. Compter six mois pour une rotation complète.

Le reste du guide est à l’avenant… et tout y passe, la culture, l’hébergement, les mœurs, l’histoire, les fêtes….. Une aventure sans risque.

Quatrième de couverture
Patrie de la polka et de la coqueluche, la Molvanie est une destination souvent négligée par les touristes, mais grâce à ce guide Jetlag entièrement remis à jour, le visiteur enthousiaste pourra désormais profiter de l'un des secrets les mieux gardés de l'Europe de l'Est. Tout ce que vous devez savoir est dans ce guide : Ceux qui voudront éviter les hordes de touristes choisiront la " morte saison " - autrement dit l'hiver ou pendant le Lutenblag Jazz Festival. Un court trajet en bus, et vous voilà à la Pensjon Prazakuv. Vu de l'extérieur, cet hôtel sans prétention semble minable, vieillot et insalubre. C'est le cas. Le Varji est une pizzeria extra proposant d'intéressantes garnitures : le " suprême d'anchois à la figue ", par exemple, à manger ou vomir à la maison. Livraison gratuite dans un rayon de 100 mètres. Différentes activités sont proposées sur le lac : ski nautique, planche à voile, parachute ascensionnel (délicat compromis entre le parapente et le suicide). Les pickpockets sont présents dans les principales gares. Ne quittez pas vos affaires des yeux. S'il vous manque quelque chose, le mieux est d'aller voir un Guarjda Civilje. Il n'est pas impossible qu'il soit l'auteur du larcin.

Extraits
« En Molvanie, chaque saison présente ses avantages. Le printemps et l’automne sont très humides ; l’hiver connaît un froid glacial. En été, la chaleur peut être oppressante. »

« Après la guerre, la Molvanie, sous tutelle soviétique, subit de longues années de privations. Le tournant eut lieu en 1982, au moment de la chute du célèbre Mur de Lutenblag, due moins à une réforme démocratique qu'à un défaut de construction. La disparition du symbole du joug communiste amena néanmoins la Molvanie à procédera ses premières élections démocratiques, en 1983. Elles furent remportées par le général Tzoric, ex-chef d'état major - victoire écrasante, au sens propre, puisqu'en pleine campagne électorale, les membres du parti d'opposition disparurent dans un effondrement. Tzoric et son Parti Rzelic restèrent au gouvernement jusqu'en 1989, avant d'être évincés par le tout nouveau Parti de la Paix, qui s'empressa de déclarer la guerre à la Slovaquie et à la Pologne. Une trêve fut finalement décidée. Malheureusement, ce fut le début d'une grave période de récession pour la Molvanie, qui atteignit son apogée avec la grève de Treize Ans, les ouvriers abandonnant leurs postes pendant 4745 jours pour protester contre les projets de réduction des primes de vacances.En 1997, la Molvanie demanda à entrer dans l'Union européenne. Cependant, le processus d'intégration fut retardé, la Molvanie refusant l'accès aux inspecteurs spécialistes des armes biologiques.Aujourd'hui, le pays oscille entre l'ancien et le nouveau monde. Membre à titre conditionnel de l'OTAN, la Molvanie est bien notée par le FMI, mais doit encore officiellement condamner l'envoi des sorcières au bûcher. Les carences en termes de services publiques, de santé et d'éducation sont préoccupantes, bien qu'il existe neuf chaînes de télévision publiques. Malgré ces contradictions - ou peut-être grâce à elles - les visiteurs sont chaque année plus nombreux à vouloir goûter les charmes de la Molvanie. »

A picorer en cas de déprime, les grands voyageurs apprécieront…

La Molvanie, le pays que s'il existait pas, il faudrait l'inventer
Rob Sitch, Tom Gleisner, Santo Cilauro
Editions Flammarion
Paru en 10/2006

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